Fabien WAKSMAN, compositeur

Carcere Oscura (pour accordéon et quintette à cordes)
une pièce librement inspirée de la Symphonie n° 5 de Beethoven

« Que peut signifier la perte de l’audition pour un compositeur ?

C’est la question à laquelle j’ai tenté de répondre en composant ce sextuor, écrit en hommage à Beethoven.

​C’est l’image d’un Beethoven prisonnier de son propre corps qui a été le point de départ de cette pièce. Une prison immense, aux proportions dantesques, et à la fois oppressante. Ce monde intérieur, que j’imagine être l’esprit d’un Beethoven sans contact auditif avec l’extérieur, m’a rappelé les gravures de Piranèse. Carcere Oscura, réalisé en 1743, constitue en quelque sorte un prélude au cycle des Carceri d’Invenzione, le chef d’oeuvre de l’artiste. Cet univers carcéral possède par son caractère monumental un aspect fantastique. Il n’en reste pas moins à jamais clos, inhumain, et par conséquent terriblement effrayant. Pour reprendre les mots de Marguerite Yourcenar, les Carceri évoquent un « monde factice, et pourtant sinistrement réel, claustrophobique, et pourtant mégalomane (qui) n’est pas sans nous rappeler celui où l’humanité moderne s’enferme chaque jour davantage ».

​Les quatre premières notes de la Cinquième Symphonie, motif le plus célèbre de Beethoven, parcourt l’ensemble de la pièce, son traitement est le plus souvent frénétique, comme s’il semblait courir désespérément dans un labyrinthe en perpétuelle évolution à la recherche d’une sortie, d’un réconfort, d’une lueur. Le décor a beau changer considérablement, le sentiment d’urgence quitte rarement un discours dans lequel l’accordéon parvient peu à peu à prendre son indépendance par rapport à un ensemble à cordes très dense et compact.

​Une courte cadence ascendante à l’accordéon mène à l’apparition d’une nouvelle cellule issue du second thème du premier mouvement de la symphonie de Beethoven, qui semble apporter peu à peu un calme relatif dont la lumière ténue ne peut empêcher le retour du caractère frénétique initial. C’est dans un accès de démence furieuse que s’achève cette quête aussi vaine qu’indispensable d’une liberté qui éternellement nous fuit. »

Fabien Waksman

Fabien Waksman en quelques lignes…

Né en 1980, Fabien Waksman est un des compositeurs français les plus importants de sa génération. Il intègre en 1999 le Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris (CNSMDP) où il est marqué par la rencontre de grandes personnalités musicales telles que Jean-François Zygel ou encore Thierry Escaich. Parallèlement il se forme à la composition auprès de Guillaume Connesson.

Il est plusieurs fois récompensé pour son œuvre et son parcours : il reçoit le prix André Caplet de composition musicale de l’Académiedes Beaux-Arts en 2011 puis il est lauréat du grand prix Sacem de la musique symphonique l’année suivante dans la catégorie jeune compositeur.Il est également nommé professeur d’harmonie au CNSMDP à seulement 25 ans en 2006.

Très vite il est sollicité par de grands chefs d’orchestre et d’importantes institutions : porté par son admiration pour Debussy et Stravinsky, il est particulièrement remarqué pour ses talents d’orchestrateur. En 2009, le chef d’orchestre Stéphane Denève lui commande les pièces symphoniques Solar Storm puis Le Parfum d’Aphrodite, dont il assure la création à la tête du Royal Scottish National Orchestra. En 2012, RadioFrance fait appel à lui pour une nouvelle pièce d’orchestre, Protonic Games, créée par Daniele Gatti à la tête de l’Orchestre National de France au Théâtre des Champs-Elysées.Sa collaboration avec l’Orchestre National de France s’est poursuivie lors de la création en 2019 d’une musique inédite pour un film de Charlie Chaplin, puis avec la composition de la musique du concert-fiction Moby-Dick en 2020, aujourd’hui édité sous forme de livre-CD chez Gallimard.

Il écrit en 2018 son premier concerto pour violoncelle et orchestre à cordes, Le rêve de Tzinacán, dédié à la violoncelliste Anastasia Kobekina. Un second concerto, pour piano cette fois-ci, est créé en 2020 lors de la finale du concours international de piano « Piano Campus » à Paris. Fabien Waksman travaille actuellement à un troisième concerto pour l’accordéoniste Félicien Brut qui sera donné à l’automne avec l’Orchestre National Bordeaux Aquitaine.

Pianiste de formation, la musique de chambre instrumentale et vocale tient une place importante dans son œuvre. Il collabore avec des interprètes tels que Eric Le Sage, Emmanuel Pahut, Paul Meyer, Jérôme Ducros, Jérôme Pernoo, Florent Héau, Mathieu Herzog, Eva Zavaro, Guillaume Vincent,  Claire-Marie Le Guay,Karol Mossakowsky, Félicien Brut ou encore les quatuors Hanson, Hermès et Aquilone. Il est régulièrement joué dans des festivals tels que Musique à l’Emperi, Auvers-sur-Oise, Les Folles Journées de Nantes ou le Centre de musique de chambre de Paris. Il compose actuellement un diptyque de mélodies inspirées de la littérature japonaise sur un texte original de la poétesse Camille Loivier pour la mezzo Brenda Poupard.

​Fabien Waksman a également composé plusieurs opéras commandés par l’Opéra National de Paris destinés au jeune public : L’oiseau de glace (2012) et Epic Falstaff (2013), tous deux et écrits en collaboration avec le metteur en scène et librettiste Florent Siaud. En 2014, il compose une grande fresque pour chœur d’enfants et orchestre sur un texte de William Blake, Europe, a Prophecy. En 2017 l’Orchestre National de Lyon crée La Clé d’argent, trilogie opératique rendant hommage à l’univers d’H.P. Lovecraft.Il approfondit son travail sur la musique vocale à travers la composition de Sumanga’ pour chœur et harpe sur une commande de l’Orchestre de Paris, œuvre librement inspirée de musiques traditionnelles issues du monde entier.

Passionné decosmologie, Fabien Waksman collabore avec l’astrophysicien Jean-Philippe Uzan avec lequel il a créé en 2016 Le Baiser de la mort, quintette pour cordes et piano inspiré de la découverte des ondes gravitationnelles. Le duo travaille actuellement à l’écriture d’un cycle de mélodies pour soprano et piano préparé, les HawkingSongs, rendant hommage aux importantes découvertes de Stephen Hawking concernant les trous noirs. Curieux et avide de nouveaux horizons sonores et musicaux, Fabien Waksman s’initie également à la composition électro-acoustique en collaboration avec le Centre de Création Musicale Art Zoyd et la claviériste YukariBertocchi-Hamada en vue d’une création pour piano et clavier électronique en janvier 2022.